Des heures de pointe aux jours de pointe, effets de la pandémie sur le Mass Transit en Île-de-France

Communiqué de presse

Saint Denis, le mardi 30 novembre 2021

Avec la crise sanitaire et après ses confinements successifs, la reprise économique s’accompagne d’un retour des voyageurs dans les transports en commun franciliens, et en particulier dans le réseau ferré dit « Mass Transit ». Cette crise a aussi joué un rôle d’accélérateur pour certaines évolutions sociétales, notamment dans les transports, l’immobilier résidentiel et de bureaux
L’étude partenariale de L’Institut Paris Region, la Mass Transit Academy, Transilien SNCF et les agences Kisio et Sustainable Mobilities avec la participation du courtier immobilier en ligne Pretto, vise à  éclairer les nouvelles tendances qui se dessinent.

En analysant les dernières données à disposition, il apparaît qu’une offre Mass Transit efficace est plus que jamais nécessaire pour réduire la congestion en Île-de-France, répondre aux enjeux de décarbonation et permettre aux Franciliens de continuer à rejoindre la zone dense dans un contexte de hausse du prix des carburants. La crise sanitaire a cependant conduit certains Franciliens à s’éloigner du Mass Transit, et son attractivité est à relancer. 

En ce qui concerne les pics de fréquentation du Mass Transit en heures de pointe, si le télétravail a semblé dans un premier temps pouvoir apporter une respiration, il apparaît désormais probable que celle-ci ne soit effective que certains jours, et pour certaines zones desservies.

Après l’effondrement de la mobilité dû à la pandémie, une reprise rapide pour la voiture

Dès juin 2020, les chiffres de trafic routier étaient revenus à leur niveau de mars 2020. Depuis lors, ils se sont maintenus à un niveau proche de la période avant-covid, à l’exception des périodes de re-confinement. Début octobre 2021, le niveau de trafic sur le réseau routier francilien structurant était même supérieur de près de 10 % à début mars 2020, et le nombre de kilomètres de bouchons supérieur de 33%. Ces chiffres mettent en évidence d’une part un certain report modal du Mass Transit vers la voiture, et d’autre part une saturation du réseau routier au cœur de l’agglomération.

Graphique montrant une hausse plus forte de la voiture que du train suite à la pandémie Copyright - Institut Paris Region

Reprise plus rapide du trafic routier que du mass transit, avec des bouchons supérieurs à l’avant-Covid, en % d’évolution depuis mars 2020.

Dans le même temps, le trafic Mass Transit dans son ensemble est de l’ordre de 80% de la fréquentation d’avant COVID en septembre-octobre 2021.

L’affluence aux heures de pointe est revenue à un niveau très proche de l’avant-covid

Pendant la crise sanitaire, une chute des fréquentations a été observée à toutes les heures de la journée, mais moins forte en heures creuses qu’en heures de pointe. 
Les pointes ont commencé à se reformer dans le Mass Transit à l’automne 2020, et de manière très nette depuis juin 2021 et en septembre-octobre 2021. En octobre 2021, sur les corridors étudiés*, la fréquentation du Mass Transit aux heures de pointe est revenue à un niveau proche de février 2020, avant-covid. 

*sur trois corridors majeurs de l’Île-de-France (Argenteuil/Colombes – Paris, Aulnay-sous-Bois/Blanc-Mesnil – Paris, Cergy/Pontoise – Ouest parisien/La Défense - Ce corridor est composé d’une part de Cergy, Pontoise et Saint-Ouen L’Aumône et d’autre part de Courbevoie, Nanterre, Neuilly-sur-Seine, Puteaux et du 7e, 8e, 9e, 15e, 16e et 17e arrondissement de Paris. Ces trois corridors sont les mêmes que ceux analysés dans l’étude de 2020, qui a donné lieu à la note rapide N°864 )

Les déséquilibres des usages du réseau Mass Transit s’accentuent entre les jours de la semaine

Sur les trois corridors étudiés, en septembre 2021 les vendredis montrent un niveau de fréquentation du Mass Transit à l’heure de pointe du matin inférieur de 24% à celui des mardis. Cet écart est vraisemblablement attribuable aux nouvelles habitudes de télétravail. 

Une simulation de télétravail, basée sur les pratiques observées pendant le 2ème confinement, aboutirait à une baisse du nombre de voyageurs dans le Mass Transit à l’heure de pointe de 2 % seulement le mardi, et une baisse de 15 % pour le vendredi. Si l’on estime qu’une baisse de fréquentation de 5 à 10% améliorerait le confort des trajets des voyageurs, le télétravail ne suffira donc vraisemblablement pas à atteindre cette ambition le mardi, tandis que l’offre de transport sera sous-utilisée le lundi et le vendredi. Un travail de lissage entre les jours de la semaine doit s’engager.

L’écart de fréquentation du mass transit entre les jours de la semaine s’accentue avec le télétravail. Simulation à l’heure de pointe du matin sur les trois corridors étudiés :

Lecture : À l’heure de pointe du matin, le niveau moyen de fréquentation d’un jeudi de septembre 2021 atteint 87% de la fréquentation moyenne d’un mardi de la période avant-Covid (février-mars 2020)

NB : La fréquentation en février-mars 2020 est inférieure à celle de février-mars 2019 par effet de traine du mouvement social contre la réforme des retraites : un niveau de 87 % est mesuré hors vacances scolaires pour les lignes exploitées par Transilien SNCF.

Projection sur le lissage des pointes sur une semaine Copyright - Institut Paris Region

Les changements de localisation pourraient accentuer la polarisation des déplacements domicile – travail

12% des simulations de prêt pour l’achat d’une résidence principale effectuées par les Franciliens après-covid concernent un bien en province, contre 7% avant-covid. L’impact du phénomène de départ vers la province sur la fréquentation du Mass Transit aux heures de pointe devrait être globalement marginal, mais certains départements de grande couronne connaissent un effet plus sensible, comme la Seine et Marne et l’Essonne.

Les entreprises ont plutôt opéré un recentrage vers le cœur de l’agglomération depuis le début de la crise sanitaire. La forte croissance du télétravail a permis une optimisation de l’empreinte immobilière - 15 à 20% d’économie de surface dans les transactions post-covid - qui a conduit à une hausse de l’offre immédiatement disponible dans les pôles d’emplois établis tels que Paris intramuros, La Défense et le croissant ouest ([Péri-Défense (Bois-Colombes, Colombes, Courbevoie, La Garenne-Colombes, Nanterre, Puteaux, Rueil-Malmaison, Suresnes), Neuilly Levallois, Boucle Sud (Boulogne-Billancourt, Issy-les -Moulineaux, Meudon, Sèvres, Saint-Cloud) et Boucle Nord (Asnières-sur-Seine, Gennevilliers, Villeneuve-La-Garenne)] et bien desservis par le Mass Transit.     

La croissance des fréquentations du Mass Transit pourrait revenir à des niveaux d’avant-crise. En effet, il n’est pas impossible que, dans la durée, le potentiel de baisse de fréquentation lié au télétravail puisse être neutralisé, en particulier le mardi, par cet effet de polarisation issu de la re-concentration des entreprises combinée au léger effet d’éloignement résidentiel cité précédemment.

Vélo + Mass Transit : une opportunité pour inverser la tendance de report modal liée à la crise ?

La capacité d’emport du Mass Transit francilien va augmenter dans les années à venir avec l’arrivée de nouveaux matériels et l’ouverture de nouvelles lignes. Mais le Mass Transit dispose d’importantes réserves de capacité, en heures creuses et le week-end, qui pourraient d’ores et déjà être valorisées.  

Si les personnes qui habitent ou se rendent à moins de 500 mètres de la gare plébiscitent le Mass Transit, le choix bascule en faveur de la voiture dès que l’on passe la barre du kilomètre. Au-delà de deux kilomètres de la gare, seul un voyageur sur quatre choisit le Mass Transit. Cela met en évidence le besoin d’un mode souple complémentaire à la marche et au bus - comme par exemple le vélo ou la trottinette - pour rejoindre les gares au-delà d’un rayon d’un kilomètre.

La coordination des acteurs sera clé pour atteindre un meilleur équilibre global

Comme l’étude de 2020 le recommandait déjà, le lissage pour éviter l’heure de pointe restera un point essentiel pour le Mass Transit. L’enseignement de l’étude 2021 vient renforcer cette nécessité en l’élargissant à l’organisation équilibrée des jours de télétravail sur la semaine.
De plus, le développement du vélo constitue une opportunité pour améliorer l’équilibre global du Mass Transit entre pointe et hors pointe comme entre semaine et week-end. Là encore, la mise en œuvre d’une mobilité combinée Mass Transit + vélo à grande échelle va nécessiter le travail conjoint de nombreux acteurs publics et privés.

Les enseignements de cette étude 2021 rappellent ainsi la coordination des acteurs comme clé pour améliorer les conditions de transports des voyageurs.